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DE GUSTAVE FLAUBERT.

ferai-je de ceci ? emporterai-je cela ? etc. Oh ! Comme on tient à ses douleurs ! Avouez-le.

Si j’étais votre médecin, je vous ordonnerais immédiatement le séjour de Paris, et si j’étais votre directeur, je vous interdirais le confessionnal.

Il vous faudrait un travail forcé, quelque chose de difficile et d’obligatoire à exécuter tous les jours. Vous me dites que vous écrivez votre vie ; cela est bien. Mais j’ai peur que cette besogne ne vous soit funeste. Vous rouvrez vos plaies pour les regarder ; j’aimerais mieux, à votre place, écrire l’histoire d’une autre. L’analyse d’une individualité étrangère vous écarterait de la vôtre.

J’ai vu, dans les derniers temps de mon séjour à Paris, Mme Sand ; j’allais lui parler de vous quand quelqu’un est entré, et je n’y suis pas retourné, car elle n’est restée à Paris que huit jours environ.

Voyons ! que lisez-vous ? connaissez-vous la Question romaine d’abord ? Cela vous intéresserait. C’est un tableau fort exact, quoi qu’on dise. Connaissez-vous les romans de Dickens ? Vous les trouverez peut-être d’un réalisme un peu vulgaire ; mais c’est plein de talent, du plus vrai et du plus fort. Avez-vous lu Daniel, qui m’est dédié ? Qu’en pensez-vous ?

Lisez-donc Marc-Aurèle. J’ai connu des gens qui s’en sont bien trouvés. Je vous baise les deux mains et j’espère vous voir dans six mois à Paris. Mille tendresses et écrivez-moi tant que vous voudrez ; il me semble que le visage d’un ami me sourit quand j’aperçois votre bonne grosse écriture.

À vous.