Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 4.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
CORRESPONDANCE

591. À ERNEST FEYDEAU.
[Croisset, seconde quinzaine de novembre 1858.]

Combien je suis peiné de ce que tu m’écris sur Mme Feydeau ! Donne-m’en des nouvelles le plus souvent que tu pourras. Ma mère part après-demain pour Paris, elle se présentera chez toi pour la voir, sera-t-elle reçue ?

Quant à moi, mon cher vieux, me revoilà à Carthage, « again on the sea » ! Quelle besogne ! quelle besogne ! Tu m’édifies avec le plaisir que tu prends à des sujets difficiles ; moi, je déclare qu’ils m’embêtent. Néanmoins je crois que ça va aller ; j’ai à peu près écrit, depuis mon retour, six pages, ce qui est beaucoup pour ton serviteur.

Rien ne donne une idée plus nette de l’abaissement esthétique où nous rampons, que les critiques sur Hélène Peyron. Le jugement définitif de ces abrutis du lundi est : 1o que les vers sont trop beaux, et 2o qu’il ne faut plus faire de vers. Je trouve cela énorme !

Quand m’enverras-tu le paquet de Daniel ? Attendras-tu que tout soit fini ? C’est peut-être meilleur, je lirai tout d’une haleine et verrai l’ensemble.

Sais-tu l’époque où le Théo revient.

Quel polisson de froid ! Je me carbonise les tibias. Il y a loin du paysage qui m’entoure et de la température où je grelotte à ce qui se passait