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CORRESPONDANCE

Enfin, mon cher monsieur, bonne chance, si tu t’y embarques.

C’est aujourd’hui que l’on joue à Rouen la première de la Montarcy ; ce sera pitoyablement joué. (Tu parles des canailleries de journaux ? si tu avais mis le pied dans un théâtre !) Il faut que je me hâte de m’habiller pour aller dans ce sale pays ! Il perd maintenant complètement la boule à cause des fameuses fêtes de dimanche. C’est énorme de bêtise ! Ô les bourgeois !

Il me semble, mon neveu, que « tu fais attention à ce qu’on dit ». Grave erreur ! Vis dans ta dignité et dans tes phrases. Moi, me voilà, Dieu merci, sorti de tout cela. Je suis rentré (et moralement encore plus que physiquement) dans ma caverne ; d’ici deux ou trois ans peut-être, rien de ce qui se passe ici-bas en littérature ne va m’atteindre. Je vais, comme par le passé, écrire pour moi, pour moi seul. Quant à la Presse et au Charles-Edmond, m…, contre-m… et rem… ! Avant tout il ne faut pas crever d’ennui. Je suis sûr que ce que je fais n’aura aucun succès, tant mieux ! Je m’en triple-f… ! S’il faut, pour en obtenir, peindre des bourgeois, j’aime mieux m’en passer, car je trouve cette besogne ignoble et dégoûtante, outre que j’en admire peu les résultats. Je ne veux plus faire une concession, je vais écrire des horreurs, je mettrai des b… d’hommes et des matelotes de serpent, etc. Car, nom d’un petit bonhomme ! Il faut bien s’amuser un peu avant de crever, c’est là l’important, et c’est ce que je te souhaite en t’embrassant.