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CORRESPONDANCE

Depuis huit jours qu’il est ici, nous nous livrons à une pioche féroce. Je t’apprendrai que Carthage est complètement à refaire, ou plutôt à faire. Je démolis tout. C’était absurde ! impossible ! faux !

Je crois que je vais arriver au ton juste. Je commence à comprendre mes personnages et à m’y intéresser. C’est déjà beaucoup. Je ne sais quand j’aurai fini ce colossal travail. Peut-être pas avant deux ou trois ans. D’ici là, je supplie tous les gens qui m’aborderont de ne pas m’en ouvrir la bouche. J’ai même envie d’envoyer des billets de faire part, pour annoncer ma mort.

Mon parti est pris. Le public, l’impression et le temps n’existent plus ; en marche !

J’ai relu, d’un seul trait, Fanny, que je savais par cœur. Mon impression n’a pas changé, l’ensemble même m’a semblé plus rapide. C’est bon. Ne t’inquiète de rien et n’y pense plus. Quand tu seras ici, je me permettrai seulement deux ou trois petites observations de détail, insignifiantes.

Nous allons avoir à Rouen des fêtes énormes et stupides, les bourgeois en perdent la boule. Ça me paraît d’avance le comble de la démence. Après les dites fêtes, au milieu de la semaine prochaine, on jouera la Montarcy. Puis, au commencement du mois, Bouilhet s’en retourne à Mantes ; à cette époque, ma mère fera à Trouville un petit voyage d’une huitaine ; après quoi, mon cher monsieur, nous vous attendons.

Est-ce convenu ? Arrêté ? Pourquoi, grand couillon, ne m’as-tu pas donné de tes nouvelles ? Qu’écris-tu ? Que fais-tu ? Houssaye ? Etc.