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DE GUSTAVE FLAUBERT.

est un siècle de putains, et ce qu’il y a de moins prostitué, jusqu’à présent, ce sont les prostituées.

Mais, comme il ne s’agit pas de déclamer contre le bourgeois (lequel bourgeois n’est même plus bourgeois, car depuis l’invention des omnibus la bourgeoisie est morte ; oui, elle s’est assise là, sur la banquette populaire, et elle y reste, toute pareille maintenant à la canaille, d’âme, d’aspect et même d’habit : voir le chic des grosses étoffes, la création du paletot, les costumes de canotiers, les blouses bleues pour la chasse, etc.), comme il ne s’agit pas cependant de déclamer, voici ce que je ferais : j’accepterais tout cela et, une fois parti de ce point de vue démocratique, à savoir : que tout est à tous et que la plus grande confusion existe pour le bien du plus grand nombre, je tâcherais d’établir a posteriori qu’il n’y a pas par conséquent de modes, puisqu’il n’y a pas d’autorité, de règle. On savait autrefois qui faisait la mode, et elles avaient toutes un sens (je reviendrais là-dessus, ceci rentrerait dans l’histoire du costume qui serait une bien belle chose à faire, et toute neuve). Mais maintenant, il y a anarchie, et chacun est livré à son caprice. Un ordre nouveau en sortira peut-être. Ce sont encore deux points que je développerais. Cette anarchie est le résultat, entre mille autres, de la tendance historique de notre époque. (Le XIXe siècle repasse son cours d’histoire.) Ainsi nous avons eu le Romain, le Gothique, le Pompadour, la Renaissance, le tout en moins de trente ans, et quelque chose de tout cela subsiste. Comment donc tirer profit de tout cela, pour la beauté ? Le calembour y est, je le prends dans ce sens : en étudiant quelle forme, quelle couleur convient à telle per-