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CORRESPONDANCE

l’une assise sur un cheval et l’autre sur un monstre marin[1]. Il faisait un silence exquis dans ce jardin ; on n’entendait que le bruit de la mer. Le jardinier, qui était un nègre, a été prendre de l’eau dans un vieil arrosoir et il l’a répandue devant moi pour faire revivre les belles couleurs de la mosaïque, et puis je m’en suis allé.

Et toi, vieux, que fais-tu ? Ça commence-t-il ? Mes compliments à Léonie et au vieux pont de Mantes dont le moulin grince. Je t’embrasse bien tendrement.


576. À ERNEST FEYDEAU.
Carthage, samedi 1er mai [1858].
Mon très cher Vieux,

Pardonne-moi l’exiguïté de cette lettre, mais je suis fort talonné par le temps. N’importe ; je veux te dire combien ta lettre m’a fait plaisir. Merci, vieux ! Il m’est impossible de te rien écrire d’intéressant, cela m’entraînerait dans des descriptions qu’il faudrait travailler ; or, il faut être déjà bien vertueux pour prendre ses notes tous les soirs ! Je me couche tard et je me lève de grand matin. Je dors comme un caillou, je mange comme un ogre et je bois comme une éponge. Tu n’as jamais vu ton oncle en voyage, c’est là qu’il est bien ! La table d’hôtes, où je mange, est bouleversée depuis ma venue et les gens qui ne me connaissent

  1. Voir Salammbô, notes, p. 468.