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CORRESPONDANCE

bonhomme ! Le meilleur de la vie se passe à dire : « Il est trop tôt », puis : « Il est trop tard ». — Moi, dès le commencement d’août, je me mets à Carthage ; j’ai bientôt tout lu. On ne pourra, je crois, me prouver que j’ai dit, en fait d’archéologie, des sottises. C’est déjà beaucoup.

Je n’ai pas reçu le livre de Crépet ; qu’il l’adresse chez mon frère, à l’Hôtel-Dieu, à Rouen. Si Crépet était un brave, il passerait à l’institut ou rue de Seine, 2, et ferait de ma part une révérence et mille remerciements à M. Alfred Maury, bibliothécaire de l’Institut, lequel tient à ma disposition un « Mémoire sur l’Orichalque, de Rossignol ». Il ne sait comment me faire parvenir la chose. Crépet mettrait cette brochure dans le paquet du susdit livre.

Lisez l’anecdote suivante. Vous m’avez entendu parler d’un certain Anthime, ancien domestique de ma mère et mari de la cuisinière que nous avons. Ce respectable serviteur, haut de cinq pieds huit pouces, porteur de boucles d’oreilles, de bagues et de chaînes d’or, tournure de chantre, air idiot, ami des prêtres et coopérant, l’été, à l’édification des reposoirs, renvoyé pour ses mauvaises mœurs, avait trouvé, en sortant de notre service, un ancien distillateur enrichi que l’on appelle familièrement le père Poussin. Ledit père Poussin était plutôt l’ami que le maître d’Anthime. Ils sortaient bras dessus, bras dessous et faisaient, le soir, la petite partie de cartes. Et bien ! tout à coup, le père Poussin s’est fâché et a mis Anthime à la porte. Il a dit à la femme de ce misérable un bien beau mot : « C’est un homme, Madame, qui aime son semblable ».