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CORRESPONDANCE

pour deux jolis mois de préparation. Je suis bien inquiet, mon bon, et mon supplice n’est pas encore commencé.

Adieu, mon cher vieux, je vous embrasse. Continuez à m’envoyer ce qui paraît, cela me divertit.


534. À MADEMOISELLE LEROYER DE CHANTEPIE.
Croisset, 18 mai [1857].

Je suis bien en retard avec vous, mon cher confrère et chère lectrice. Ne mesurez pas mon affection à la rareté de mes lettres ; n’accusez que les encombrements de la vie parisienne, la publication de mon volume et les études archéologiques auxquelles je me livre maintenant. Mais me voilà revenu à la campagne, j’ai plus de temps à moi et nous allons aujourd’hui passer la soirée ensemble ; parlons de nous d’abord, puis de vos volumes et ensuite de quelques idées sociales et politiques sur lesquelles nous différons.

Vous me demandez comment je me suis guéri des hallucinations nerveuses que je subissais autrefois ? Par deux moyens : 1o en les étudiant scientifiquement, c’est-à-dire en tâchant de m’en rendre compte, et, 2o par la force de la volonté. J’ai souvent senti la folie me venir. C’était dans ma pauvre cervelle un tourbillon d’idées et d’images où il me semblait que ma conscience, que mon moi sombrait comme un vaisseau sous la tempête. Mais je me cramponnais à ma raison. Elle dominait tout, quoique assiégée et battue. En d’autres fois, je