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DE GUSTAVE FLAUBERT.

les nuages qui sont en vous se dissoudre. Vous vous aimerez davantage, parce que vous contiendrez en votre esprit plus de choses.

Votre médecin a raison, il faut voyager, voir beaucoup de ciel et beaucoup de mer. La musique est une excellente chose, elle vous apaisera. Quant à Paris, vous pouvez en faire l’essai. Mais je doute que vous y trouviez la paix. C’est le pays le plus irritant du monde pour les honnêtes natures, et il faut avoir une fière constitution et bien robuste pour y vivre sans y devenir un crétin ou un filou.

Je vous remercie mille fois de votre aimable invitation ; mais d’ici à longtemps, je ne puis bouger. Je ne pourrai même cet été faire un tour sur la côte d’Afrique (à Tunis), que j’aurais besoin de visiter pour le travail dont je m’occupe. Je veux me débarrasser au plus vite de plusieurs vieilles idées et je n’ai pas une minute à moi. Ajoutez à cela le sot tourbillon de la vie ordinaire.

Vous recevrez mon volume dans la semaine de Pâques (je suis maintenant au milieu de mes épreuves et je n’ai pas eu le temps de lire vos livres). Vers la fin du mois prochain, je m’en retourne à la campagne avec votre portrait. Je ne puis malheureusement vous faire connaître ma figure par les mêmes moyens, car jamais on ne m’a peint ni dessiné. Mais acceptez, ce qui vaut mieux, l’hommage bien cordial de toute ma sympathie.

À vous.

Je viens de relire votre lettre que je sais maintenant par cœur. Est-il besoin de vous dire que je suis flatté jusqu’au plus profond de l’âme d’être