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DE GUSTAVE FLAUBERT.

tion du susdit bouquin ; 2o  J’en avais un autre tout prêt à paraître, mais la rigueur des temps me force à en ajourner indéfiniment la publication ; 3o  Pour soutenir mon début (dont l’éclat, comme on dit en style de réclame, a dépassé mes espérances), il faut que je me hâte d’en faire un autre, et se hâter c’est pour moi, en littérature, se tuer. Je suis donc occupé en ce moment à prendre des notes pour une étude antique que j’écrirai cet été, fort lentement. Or, comme je veux m’y mettre à la fin du mois prochain et qu’à Rouen il m’est impossible de me procurer les livres qu’il me faut, je lis et j’annote aux Bibliothèques du matin au soir, et chez moi, dans la nuit, fort tard. Voilà, mon bon, ma situation. Je suis fort malheureux, car je me lève tous les matins à huit heures, ce qui est un supplice pour votre serviteur.

Comme j’ai été embêté cet hiver ! mon procès ! mes querelles avec la Revue de Paris ! et les conseils ! et les amis ! et les politesses ! On commence même a me démolir et j’ai présentement sur ma table un bel éreintement de mon roman, publié par un monsieur dont j’ignorais complètement l’existence. Vous ne vous imaginez pas les infamies qui règnent et ce qu’est maintenant la petite presse. Tout cela du reste est fort légitime, car le public se trouve à la hauteur de toutes les canailleries dont on le régale. Mais ce qui m’attriste profondément, c’est la bêtise générale. L’Océan n’est pas plus profond ni plus large. Il faut avoir une fière santé morale, je vous assure, pour vivre à Paris, maintenant. Qu’importe, après tout ! Il faut fermer sa porte et ses fenêtres, se ratatiner sur