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CORRESPONDANCE

de t’abstraire, pose-toi devant les yeux le sieur Bouilhet et avoue que j’ai raison. Enfin, pauvre vieux, si tu te trouves blessé en quoi que ce soit, pardonne-le-moi, je l’ai fait avec une bonne intention, excuse de tous les sots.

Une comparaison te sera venue, c’est celle de moi à Du Camp. Il me reprochait, il y a quatre ans, à peu près les mêmes choses que je te reproche. (Les sermons ont été plus longs et d’un autre ton, hélas !) Mais les points de vue sont différents. Il me prenait alors pour ce que je ne voulais pas être. Je n’entrais nullement dans la vie pratique et il me cornait aux oreilles que je m’égarais dans une route où je n’avais seulement pas les pieds.

Je t’envie de regretter quelque chose dans ton passé. Quant à moi (c’est qu’apparemment je n’ai jamais été ni heureux ni malheureux), j’ignore ce sentiment-là. Et d’abord j’en serais honteux. C’est reconnaître qu’il y a quelque chose de bon dans la vie, je ne rendrai jamais cet hommage à la condition humaine.

Tu vas laisser là les Français, c’est convenu. Mais si tu avais vu Régnier avant, penses-tu qu’il n’eût pas pu influencer Laugier ? Je n’ai jamais vu d’homme plus ménager la semelle de ses souliers. Ton incompréhensible timidité est ton plus grand ennemi, mon bon. Sois-en sûr.

Si tu quittes les Français, porte ton drame à l’Odéon de préférence ; mais informe-toi d’abord de qui ça dépend, et fais ta mine avant de donner l’assaut.

Est-ce sérieusement que Reyer t’a parlé d’un opéra-comique ? Fais-le. C’est le moment de plus