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DE GUSTAVE FLAUBERT.

vieux, misérables, à l’hospice des incurables, balayant les rues et, dans nos habits tachés, parlant du temps d’aujourd’hui et de notre promenade à la Roche-Guyon. Nous nous sommes d’abord fait rire, puis presque pleurer. Cela a duré quatre heures de suite. Il n’y a que des hommes aussi placidement funèbres que nous le sommes pour s’amuser à de telles horreurs.

Adieu, adieu, bonne, belle et chère Louise, je t’embrasse partout.



352. À LA MÊME.
[Croisset] Lundi soir [22 novembre 1852].

De suite, pendant que j’y pense (car depuis trois jours j’ai peur de l’oublier), ma petite dissertation grammaticale à propos de saisir. Il y a deux verbes : saisir signifie prendre tout d’un coup, empoigner, et se saisir de veut dire s’emparer, se rendre maître. Dans l’exemple que tu me cites « le renard s’en saisit », ça veut dire le renard s’en empare, en fait son profit ; il y a donc avec le pronom, tout ensemble, idée d’accaparement et de vitesse (ainsi avec le pronom le verbe comporterait toujours une idée d’utilité ultérieure). Mais saisir s’emploie tout seul pour dire prendre. Exemple : « Saisissez-vous de cette anguille-là ; je ne peux la saisir, elle me glisse des mains. » Je ne me rappelle point tes deux vers, chère muse ; mais il y a, il me semble, quelque chose comme cette tournure : se saisissait des brins de paille… ce qui est lent d’ailleurs et impropre, comme tu vois.