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CORRESPONDANCE

de jolis dialogues dans la dernière nouvelle : « Aspiration au pouvoir. » Quel langage ! quels mots !

Comment va cette pauvre Muse ? Qu’en fais-tu ? Que dit-elle ? Elle m’écrit moins souvent. Je crois qu’au fond elle est lasse de moi. À qui la faute ? À la destinée. Car moi, dans tout cela, je me sens la conscience parfaitement en repos et trouve que je n’ai rien à me reprocher. Toute autre à sa place serait lasse aussi. Je n’ai rien d’aimable et je le dis là au sens profond du mot. Elle est bien la seule qui m’ait aimé. Est-ce là une malédiction que le ciel lui a envoyée ? Si elle l’osait, elle affirmerait que je ne l’aime pas. Elle se trompe pourtant.


448. À LOUISE COLET.
[Croisset] Mercredi, 11 heures du soir
[28 décembre 1853].

Sais-tu ce que je viens de faire, depuis deux heures de l’après-midi, sans désemparer ? De classer, de ranger toute ma correspondance depuis quinze ans. J’en avais plein trois énormes boîtes et quatre cartons ! Je n’ai lu que les écritures qui m’étaient inconnues. Que de gens morts ! Combien il y en a aussi d’oubliés ! J’ai fait là des découvertes très tristes et d’autres très farces. Les yeux me piquent à force d’avoir feuilleté et j’ai les reins fatigués d’être resté si longtemps courbé. Mais voilà un bon débarras de moins ! Je pourrai maintenant commencer l’épuration avec méthode. J’ai brûlé beaucoup de lettres de Mme Didier et de la Sylphide à ton adresse. Je n’ai point retrouvé