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DE GUSTAVE FLAUBERT.

tout a une fin ! et nous nous verrons bientôt, Dieu merci. Ce sera une bouffée d’air et j’en ai besoin.

Adieu, mille tendres baisers.

À toi.

Ton G.

438. À LOUISE COLET.
[Croisset] Dimanche, 10 heures [6 novembre 1853].

Quelle gentille et bonne lettre j’ai reçue de toi, ce matin, pauvre chère Muse ! Quoique tu m’y dises de te répondre longuement, je ne le ferai pas, parce que Bouilhet est là. Je profite même de ce moment où il est à faire ses adieux à ma mère pour t’envoyer ce mot. C’est son dernier dimanche. J’ai le cœur tout gros de tristesse. Quelle pitoyable chose que nous ! Nous avons relu cet après-midi du Melaenis. Nous venons de parler de Du Camp, de Paris, de la politique, etc. Mille douceurs et mille amertumes me reviennent ensemble. Et là maintenant, seul face à face avec ta pensée, l’idée du chagrin continuel que je te cause se mêle à ces autres faiblesses. C’est comme si mon âme avait envie de vomir ses anciennes digestions. L’idée de tes mémoires, écrits plus tard dans une solitude à nous deux, m’a attendri. Moi aussi, j’ai eu souvent ce projet vague. Mais il faut réserver cela pour la vieillesse, quand l’imagination est tarie. Rappelons-nous toujours que l’impersonnalité est le signe de la force. Absorbons l’objectif et qu’il circule en nous, qu’il se reproduise au dehors sans qu’on puisse rien comprendre à cette chimie merveilleuse. Notre cœur