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DE GUSTAVE FLAUBERT.

une pipe, et une heure tantôt pour dîner). Mes comices m’embêtaient tellement que j’ai lâché là, pour jusqu’à ce qu’ils soient finis, grec et latin. Et je ne fais plus que ça à partir d’aujourd’hui. Ça dure trop ! Il y a de quoi crever, et puis je veux t’aller voir.

Bouilhet prétend que ce sera la plus belle scène du livre. Ce dont je suis sûr, c’est qu’elle sera neuve et que l’intention en est bonne. Si jamais les effets d’une symphonie ont été reportés dans un livre, ce sera là. Il faut que ça hurle par l’ensemble, qu’on entende à la fois des beuglements de taureaux, des soupirs d’amour et des phrases d’administrateurs. Il y a du soleil sur tout cela, et des coups de vent qui font remuer les grands bonnets. Mais les passages les plus difficiles de Saint Antoine étaient jeux d’enfant en comparaison. J’arrive au dramatique rien que par l’entrelacement du dialogue et les oppositions de caractère. Je suis maintenant en plein. Avant huit jours, j’aurai passé le nœud d’où tout dépend. Ma cervelle me semble petite pour embrasser d’un seul coup d’œil cette situation complexe. J’écris dix pages à la fois, sautant d’une phrase à l’autre. Il faut pourtant qu’un de ces jours j’écrive au Crocodile. Il a perdu l’adresse de Mme Farmer et ne pourrait nous adresser de lettres que de Jersey directement, ce qui est à éviter autant que possible.

Je suis presque sûr que Gautier ne t’a pas vue dans la rue lorsqu’il ne t’a pas saluée. Il est fort myope, comme moi, à qui pareilles choses sont coutumières. C’eût été une insolence gratuite, qui n’est pas du reste dans ses allures ; c’est un gros bonhomme fort pacifique et très putain. Quant à