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DE GUSTAVE FLAUBERT.

doute à ce que le temps de la composition me trompe sur la dimension de l’œuvre. Au reste, il vaut mieux être trop long que trop court. Mais le défaut général des poètes est la longueur, comme le défaut des prosateurs est le commun, ce qui fait que les premiers sont ennuyeux et les seconds dégoûtants : Lamartine, Eugène Sue. Combien de pièces dans le père Hugo sont trop longues de moitié ! Et déjà le vers, par lui-même, est si commode à déguiser l’absence d’idées ! Analyse une belle tirade de vers et une autre de prose, tu verras laquelle est la plus pleine. La prose, art plus immatériel (qui s’adresse moins aux sens, à qui tout manque de ce qui fait plaisir), a besoin d’être bourrée de choses et sans qu’on les aperçoive. Mais en vers les moindres paraissent. Ainsi la comparaison la plus inaperçue dans une phrase de prose peut fournir tout un sonnet. Il y a beaucoup de troisièmes et de quatrièmes plans en prose. Doit-il y en avoir en poésie ?

J’ai dans ce moment une forte rage de Juvénal. Quel style ! quel style ! Et quel langage que le latin ! Je commence aussi à entendre Sophocle un peu, ce qui me flatte. Quant à Juvénal, ça va assez rondement, sauf un contre-sens par-ci par-là et dont je m’aperçois vite. Je voudrais bien savoir, et avec moult détails, pourquoi Saulcy a refusé l’article de Leconte, quels sont les motifs qu’on lui a allégués ? Cela peut nous être curieux à connaître. Tâche d’avoir le fin mot de l’histoire.

Tâche de te mieux porter et de travailler à Paris comme tu travaillais à la campagne. Tu as pourtant tout ton temps à toi. Je plains bien ce pauvre Leconte de sa leçon. Pour avoir fait ce