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DE GUSTAVE FLAUBERT.

sots, mais à les flouer, ce qui est bien plus magistral ! Oh Jésus, Jésus, redescends donc pour chasser les vendeurs du temple ! Et que les lanières dont tu les cingleras soient faites de boyaux de tigre ! Qu’on les ait trempées dans du vitriol, dans de l’arsenic ! Qu’elles les brûlent comme des fers rouges ! Qu’elles les hachent comme des sabres et qu’elles les écrasent comme ferait le poids de toutes tes cathédrales accumulées sur ces infâmes !

Enchanté du fiasco du citoyen Méry[1] ! Encore un habile, celui-là, un malin, un homme d’esprit, un gaillard qui ne se fiche pas mal de ça ! Quand on fait de sa plume un alambic à ordures pour gagner de l’argent, et qu’on ne gagne pas même d’argent, on n’est en définitive qu’un idiot doublé d’un misérable.

Je ne pardonne point aux hommes d’action de ne pas réussir, puisque le succès est la seule mesure de leur mérite. Napoléon a été trompé à Waterloo : sophisme, mon vieux. Je ne suis pas du métier, je n’y connais goutte : il fallait vaincre. Or, j’admire le vainqueur, quel qu’il soit.

Le père Hugo avait perdu l’adresse de Londres, c’est pour cela qu’il a été longtemps à me répondre, dit-il. Sa lettre était impudemment de Jersey. Par bonheur il n’est arrivé aucun mal. Je suis curieux du volume. Mais comment l’aurai-je ? J’essayerai de lui répondre une bonne lettre ; tant pis si le fond le choque, la forme sera convenable.

  1. Romancier, poète, auteur dramatique. Son œuvre est une des plus abondantes de l’époque romantique. Flaubert fait ici allusion aux Mélodies poétiques, que Méry venait de publier chez Leure et qui furent mal accueillies par la presse.