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DE GUSTAVE FLAUBERT.

parti qui t’irrite, c’est en vertu d’une expérience infaillible et réitérée. Je ne suis en veine tous les jours que vers 11 h du soir, quand il y a déjà sept à huit heures que je travaille et, dans l’année, qu’après des enfilades de jours monotones, au bout d’un mois, six semaines que je suis collé à ma table.

Je commence à aller un peu. Cette semaine a été plus tolérable. J’entrevois au moins quelque chose dans ce que je fais. Bouilhet, dimanche dernier, m’a du reste donné d’excellents conseils après la lecture de mes esquisses ; mais quand est-ce que j’aurai fini ce livre ? Dieu le sait. D’ici là, je t’irai voir dans les intervalles, aux temps d’arrêt. Si je ne t’avais pas, je t’assure bien que je ne mettrais pas les pieds à Paris peut-être pas avant 18 mois. Lorsque j’y serai, tu verras comme ce que je dis est vrai, quant à ma manière de travailler, avec quelle lenteur ! et quel mal !

La lettre de ton amoureux m’a fait bien rire d’abord, et en même temps bien pitié ! J’ai, du reste, reconnu là le langage de mon beau-frère. Ils en sont tous deux au même degré de folie. Je ne crois pas, comme toi, que ce qu’il dit sur ses propriétés soit un mensonge. On n’invente pas des phrases comme celles-là, à moins d’être Molière : « Je n’ai qu’une propriété, la plus poétique qu’on puisse voir, située dans la ville de Montélimar et dominant toute la plaine du Rhône ; pour l’agrément surtout je l’estime plus de cent mille francs. » Ce pauvre Pipon, que nous avions oublié ! Avais-je tort de soutenir qu’il devait être un pitoyable mathématicien ?

Ce que j’ai lu du pamphlet ne m’a point enthou-