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DE GUSTAVE FLAUBERT.

te sais travaillant bien ! Je t’aime plus encore peut-être quand je te sais souffrante. Et puis, tu m’écris des lettres superbes de verve. Mais, pauvre chère âme, ménage-toi, tâche de modérer ta furie méridionale, comme tu dis en parlant de Ferrat.

Les conseils de Delisle relativement à l’Acropole sont bons. 1o Rends à Villemain le manuscrit comme tu l’as envoyé à Jersey (je n’en reçois pas de lettre, cela me semble drôle ; ma mère écrira un de ces jours à Mme Farmer, si je ne reçois rien). Tu peux même faire quelques corrections encore si tu en trouves ; mais moi il me semble que c’est bon, sauf les Barbares que je persiste à trouver la partie la plus faible, et de beaucoup. Puis 2o tâcher de faire paraître dans la Presse. 3o Nous trouverons un plan, sois-en sûre. Bouilhet sera là cet hiver, il t’aidera. Son dernier Fossile, troisième pièce, Le Printemps, est superbe. Il y a, à la fin, une baisade d’oiseaux[1] près de nids gigantesques, qui est gigantesque elle-même. Mais il devient trop triste, mon pauvre Bouilhet. Sacré nom de Dieu ! il faut se raidir et emmerder l’humanité qui nous emmerde ! Oh ! je me vengerai ! je me vengerai ! Dans quinze ans d’ici, j’entreprendrai un grand roman moderne où j’en passerai en revue ! Je crois que Gil Blas peut être refait. Balzac a été plus loin, mais le défaut de style fera

  1. Leurs yeux ronds semblent d’or ; mille frissons joyeux
    Font sur le sable fin palpiter leurs pieds bleus,
    Et dans le tourbillon des ailes qui frémissent,
    Leurs becs impatients se cherchent et s’unissent.
    L’air est chaud, le ciel lourd ; de moment en moment
    Les buissons autour d’eux s’écartent lentement,
    Et l’on voit flamboyer leurs plumages superbes,
    Comme un rouge incendie, entre les hautes herbes…