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DE GUSTAVE FLAUBERT.

pothèse contraire, afin d’être en de bons termes quand la rupture viendrait et de pouvoir lui dire : voilà ce que tu me fais encore pour me désobliger ; bonsoir et [à] jamais au revoir. Comprends-tu ?

Quant à l’article Énault, il me semble, bonne Muse, que tu te l’es exagéré. C’est bête et folâtre, voilà tout. Les petites feminotteries comme « femme sensible », « plus jeune », etc., qui t’ont indignée, viennent de la Edma, laquelle est jalouse de toi sous tous les rapports ; de cela j’en parie ma tête. C’est notre opinion à tous deux, Bouilhet et moi. Cela sue dans ses petits billets mensuels, sans qu’il y ait jamais rien d’articulé. Bouilhet en est profondément dégoûté et se propose de ne pas même lui faire savoir quand est-ce qu’il sera à Paris. Et puis, qu’est-ce que ça nous fout, l’opinion du sieur Énault écrite ou dite ? C’est comme le mot de Du Camp à Ferrat. Veux-tu qu’au milieu du tourbillon où il vit, avec l’infatuation de sa personne, la croix d’officier, les réceptions chez M. de Persigny[1], etc., il puisse garder assez de netteté pour sentir une chose neuve, originale, nouvelle ? Et il y a d’ailleurs en cela calcul ; peut-être c’est un parti pris. Nous ne blanchirons jamais les nègres, nous n’empêcherons jamais les médiocres d’être médiocres. Je t’assure bien que lorsqu’il m’a dit « que j’avais une maladie de la moelle épinière, un ramollissement du cerveau », cela m’a fait beaucoup rire. Sais-tu ce que j’ai vu aujourd’hui dans ses photographies ? La seule qui

  1. Sénateur, ambassadeur et ancien ministre, a publié : De la destination et de l’utilité permanente des pyramides contre les irruptions sablonneuses du désert.