Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
DE GUSTAVE FLAUBERT.

(c’est le mot !) avec une gaillarde de la plus vile espèce, oui, madame ! Ah ! mon Dieu ! Moi je me gaudys comme un gredin, quand je vois tous ces braves gens-là avoir des renfoncements. Les humiliations que reçoivent ces bons messieurs qui cherchent partout des honneurs (et quels honneurs !) me semblent être le juste châtiment de leur défaut d’orgueil. C’est s’avilir que de vouloir toujours ainsi briller ; c’est s’abaisser que de monter sur des bornes. Rentre dans la crotte, canaille ! Tu seras à ton niveau. Il n’y a pas, dans mon fait, d’envie démocratique. Cependant j’aime tout ce qui n’est pas le commun, et même l’ignoble, quand il est sincère. Mais ce qui ment, ce qui pose, ce qui est à la fois [la] condamnation de la Passion et la grimace de la Vertu me révolte par tous les bouts. Je me sens maintenant pour mes semblables une haine sereine, ou une pitié tellement inactive que c’est tout comme. J’ai fait, depuis deux ans, de grands progrès. L’état politique des choses a confirmé mes vieilles théories a priori sur le bipède sans plumes, que j’estime être tout ensemble un dinde et un vautour.

Adieu, chère colombe. Mille bécottements sur la bouche.

À toi. Ton G.

404. À LOUISE COLET.
[Croisset] Mardi, 1 heure de nuit [28-29 juin 1853].

Je suis accablé, la cervelle me danse dans le crâne. Je viens, depuis hier dix heures du soir