Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
CORRESPONDANCE

je refusais du champagne (j’avais déjà bu et mangé à tomber sous la table, mais mon curé entonnait toujours), alors il se tourna vers moi et, avec un œil ! quel œil ! un œil où il y avait de l’envie, de l’admiration et du dédain tout ensemble, il me dit en levant les épaules : « Allons donc ! vous autres jeunes gens de Paris qui, dans vos soupers fins, sablez le champagne, quand vous venez ensuite en province, vous faites les petites bouches ». Et comme il y avait de sous-entendus, entre le mot « soupers fins » et celui de « sablez », ceux-ci : « avec des actrices » ! Quels horizons ! Et dire que je l’excitais, ce brave homme. Et, à ce propos, je vais me permettre une petite citation :

« Allons donc ! fit le pharmacien en levant les épaules, les parties fines chez le traiteur ! les bals masqués ! le champagne ! tout cela va rouler, je vous assure.

— Moi, je ne crois pas qu’il se dérange, objecta Bovary.

— Ni moi non plus, répliqua vivement M. Homais, quoiqu’il lui faudra pourtant suivre les autres, au risque de passer pour un jésuite. Et vous ne savez pas la vie que mènent ces farceurs-là, dans le quartier latin, avec des actrices ! Du reste, les étudiants sont fort bien vus à Paris. Pour peu qu’ils aient quelque talent d’agrément, on les reçoit dans les meilleures sociétés, et il y a même des dames du faubourg Saint-Germain qui en deviennent amoureuses, ce qui leur fournit, par la suite, les occasions quelquefois de faire de très beaux mariages. »

En deux pages j’ai réuni, je crois, toutes les bêtises que l’on dit en province sur Paris, la vie