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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Mais, physiquement parlant, pour ma santé, j’avais besoin de me retremper dans de bonnes phrases poétiques. L’envie d’une forte nourriture se faisait sentir, après toutes ces finasseries de dialogues, style haché, etc., et autres malices françoises dont je ne fais pas, quant à moi, un très grand cas, qui me sont fort difficiles à écrire, et qui tiennent une grande place dans ce livre. Ma comparaison, du reste, est une ficelle, elle me sert de transition et par là rentre donc dans le plan.

J’ai reçu hier une lettre de Paris. Elle m’est adressée par un médecin français[1] qui m’a reçu dans la haute Égypte, à Siout. Il vient à Paris passer sa thèse et me demande d’un ton très cérémonieux ma protection, c’est-à-dire des recommandations. Je crois que ce brave homme, qui nous a traités là-bas cordialement, a eu le nez cassé chez Maxime. Il se plaint à moi de n’avoir pas trouvé son adresse et m’écrit la bonne adresse. Voilà bien là le gentleman ! Force protestations, et à l’heure du service, serviteur. Je me rappellerai toujours qu’il avait promis de but en blanc à Joseph de lui acheter un fonds de gargote en Toscane.

Ces deux articles que tu m’envoies sont le commencement. Fais ton drame, n’aie pas peur, courage, tu verras.

Quant à moi il n’y a qu’une seule chose qui m’effraye, c’est ma lenteur. Je crèverai que je n’aurai pas balbutié la moitié de ma pensée.

Adieu, je t’embrasse, écris-moi donc, tout à toi, encore mille tendresses.


  1. Docteur Cuny. Voir Correspondance, II, p. 215.