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CORRESPONDANCE

396. À LOUISE COLET.

Entièrement inédite.

2 juin 1853. Jeudi soir, minuit.

Mille pardons, bonne Muse, j’ai oublié hier de te parler et de te remercier de ta pièce sur Vetheuil[1].

Quand je prends le papier avec toi, le premier mot entraîne l’autre et j’oublie souvent le plus important de ce que je voulais te dire.

Merci donc du cadeau ; il m’a fait bien plaisir. Je ne l’ai pas montré à Bouilhet dimanche. J’ai égoïstement gardé tout pour moi, et puis tu m’y dis de ces choses dont ma pudeur a à rougir.

Ce milieu, il faudra le changer pour rendre la pièce présentable aux autres. Les vers, du reste, y sont moins bons. Mais il faudrait bien peu de chose pour rendre le début superbe. J’aime beaucoup ces vers-là :

Les peupliers dans l’air, etc.
Une senteur d’encens tombait du mur glacé !

Fais-moi donc une pièce toute en vers de cette force-là !!! et tu pourras aller avec n’importe qui. Quelle drôle d’organisation tu as ! Tu parles « de force de la nature », mais ta force intellectuelle, à

  1. La poésie en question a pour titre : Paysage et Amour, dans Ce qu’on rêve en aimant :

    Les peupliers dans l’air frissonnaient mollement
    Et miraient dans les eaux leur long balancement.
    Sur les grands prés fleuris en pente jusqu’aux rives,
    Les bœufs paissaient le long des ondes fugitives.