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DE GUSTAVE FLAUBERT.

eu une longue conversation. Je te la rapporterai plus tard. À Rouen j’ai trouvé B[ouilhet] ; mais ma voiture, par un malentendu, n’y était pas. Nous l’avons attendue, puis, au clair de lune, nous avons traversé à pied le pont et le port, été chez deux loueurs de voitures afin d’avoir un fiacre. Au second (dont le logis est dans une ancienne église) la femme s’est réveillée en bonnet de coton (intérieur de nuit, mâchoires qui bâillent, chandelle qui brûle, bretelles tombant sur les hanches, etc.). Là il a fallu atteler la voiture. Enfin nous sommes arrivés à Croisset à 1 heure du matin et nous nous sommes couchés à 2, après que j’ai eu rangé ma table. Le dimanche a été triste. Les Achille ne sont pas venus, Dieu merci ! L’après-midi nous avons été voir un embarcadère en bois, que l’on fait à quelque distance d’ici pour les bateaux à vapeur. Le soir nous avons lu du Jocelyn et la Courtisane amoureuse de La Fontaine. Hier matin B[ouilhet] est parti à une heure. J’ai dormi une bonne partie de l’après-midi et, le soir, je me suis remis à mon travail avec grand ennui. J’ai recommencé aujourd’hui mon train ordinaire, leçon à ma nièce, Sophocle, Juvénal et la Bovary, dont je suis arrivé, je crois, à terminer trois pages qui étaient sur le chantier dès huit jours avant mon absence. J’ai assez bien travaillé ce soir, ou du moins avec du plaisir. Voilà, et les mêmes jours vont suivre.

Comme ils ont été bons, pauvre Muse, ceux que nous avons passés ensemble ! Je n’ai plus bien nettement dans la tête ce que j’entendais jadis par rêves d’amour ; mais ce que je sais, c’est que je ne souhaite maintenant rien au delà de ce que tu me donnes et qu’il me paraît impossible de mieux