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DE GUSTAVE FLAUBERT.

qu’il me prend de temps à autre au cervelet (siège des passions, selon Gall) des douleurs à crier, qui m’ont repris dimanche. Mais aussi quel dimanche et quelle société j’ai eus ! Je ne te parle jamais de mes ennuis domestiques, mais j’en suis comblé parfois : mon frère ! ma belle-sœur ! mon beau-frère ! Ah ! ah ! ah ! La santé de ma mère commence aussi à m’inquiéter profondément et plus que je ne le dis. Tout ce qu’il lui faudrait d’effectif est impraticable. Enfin, je viens d’être assez secoué, et il me résulte de tout cela une torpeur invincible. Hier et aujourd’hui j’ai passé tout l’après-midi à dormir comme un homme ivre. J’avais (nerveusement parlant) la sensation interne d’un homme qui aurait bu six bouteilles d’eau-de-vie. J’étais brûlé et étourdi. Mais ce soir (j’ai fait diète toute la journée) la revigueur m’est revenue, et j’ai écrit presque d’une seule haleine toute une page, et de psychologie fort serrée, où il y aura, je crois, peu à reprendre. N’importe, je voudrais bien que ces défaillances et ces enthousiasmes me quittassent un peu, et demeurer dans un milieu plus olympien, le seul bon pour faire du beau. L’échec de Melaenis chez Charpentier a assez embêté B[ouilhet]. Il n’était pas non plus gai dimanche. Entre lui et Edma, il ne se passe rien ; ils s’écrivent toutes les six semaines un billet de six lignes. Tu feras bien de pas lui en parler quand tu le verras ; c’est un sujet qui l’embête. Rappelle-toi l’avertissement ou laisse-le venir.

Pour te dire mon avis sur la lettre de Béranger, il faudrait que je connusse le bonhomme, mais il a été remué seulement d’une façon qu’il n’ap-