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CORRESPONDANCE

tant[1]. Supprime aussi, aux annonces des autres récits, la femme intelligente, qui a l’air de faire une classe à part. La femme intelligente n’est pas un rang dans la société. Mets : la bonne, la bas-bleu, n’importe quoi, mais pas d’épithète qualificative. La femme intelligente, ainsi annoncée après la princesse, la servante, est d’un effet godiche, ou tout au moins naïf.

Je suis brisé de fatigues et de fatigue et d’ennui. Ce livre me tue ; je n’en ferai plus de pareils. Les difficultés d’exécution sont telles que j’en perds la tête dans des moments. On ne m’y reprendra plus, à écrire des choses bourgeoises. La fétidité du fonds me fait mal au cœur. Les choses les plus vulgaires sont, par cela même, atroces à dire et, quand je considère toutes les pages blanches qui me restent encore à écrire, j’en demeure épouvanté. À la fin de la semaine prochaine j’espère te dire pourtant quand est-ce qu’enfin nous nous verrons. Tu n’en as pas plus envie que moi. Ce sera dans trois semaines, je pense. Si un bon vent me soufflait, je n’en aurais pas pour longtemps.

Que c’est bête de se donner tout ce mal-là et que personne n’appréciera jamais ! Mais je me plains, quand c’est toi qu’il faut plaindre. Peut-être m’envoies-tu ta tristesse. Eh bien, prends donc toute ma force et mes baisers les plus tendres. Je mets ma bouche sur tes lèvres, mon cœur sur ton cœur.

Adieu, pauvre bonne muse, adieu, adieu.

Ton G.

  1. Le livre parut sous un aspect tout à fait contraire et, selon le conseil de Pelletan, sans nom d’auteur. Le Poème de la femme est seul apparent. La Paysanne est en caractères de sous-titre.