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CORRESPONDANCE

Marengo. Tu la gagneras peut-être au moment où tu crois tout perdu. En tout cas, il sera inutile, lui, de l’envoyer promener. À quoi bon se faire un ennemi ! Il ne faut jamais obéir aux passions infructueuses. Tu t’es déjà attiré bien des chagrins par tes emportements, chère sauvage bien-aimée.

Croyez un vieux, gardez un peu de gentilshommes.

Si tu échoues, voici ce que je ferais à ta place (toutes les pièces refusées sont brûlées, n’est-ce pas, et il n’en reste rien ?). Je reprendrais mon Acropole (que tu m’apporterais à Mantes) ; nous reverrions tout, ne laissant rien passer comme à la Paysanne ; nous en ferions une chose parfaite, ce qui ne serait pas difficile. Le morceau des Barbares serait exécuté comme je l’ai conçu, c’est-à-dire on y taperait légèrement sur ceux qui échignent l’antique sous prétexte de le conserver. Badigeonneurs, faiseurs d’expurgata, professeurs, etc., on pourrait faire, là-dessus, un mouvement crâne et où l’Académie ne serait pas ménagée, sans la nommer. Puis, le lendemain du prix je publierais mon Acropole avec une note : « Ce poème n’a pas eu le prix ». L’insertion de ce poème se ferait dans un journal gouvernemental (puisque l’Académie est mal vue du gouvernement) et on y ajouterait un article où l’on se foutrait de l’Académie et de toi qui as eu la candeur de croire, etc.

Pourquoi Madame Colet concourt-elle ? Est-ce pour se faire juger ? On raillerait tes autres prix aux détriments de celui-là. L’Académie a fait son temps… c’est une chose jugée… puisqu’on parle d’économie pourquoi ne pas faire celle de supprimer ce corps caduc, etc. Qu’en penses-tu ? Ainsi,