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CORRESPONDANCE

ce qui ne se donne pas, cela). Ces deux qualités ont été entravées et le sont encore par deux défauts, dont on t’a donné l’un, et dont l’autre tient à ton sexe. Le premier, c’est le philosophisme, la maxime, la boutade politique, sociale, démocratique, etc., toute cette bavure qui vient de Voltaire et dont le père Hugo lui-même n’est pas exempt. La seconde faiblesse, c’est le vague, la tendro-manie féminine. Il ne faut pas, quand on est arrivé à ton degré, que le linge sente le lait. Coupe donc moi la verrue montagnarde et rentre, resserre, comprime les seins de ton cœur, qu’on y voie des muscles et non une glande. Toutes tes œuvres jusqu’à présent, à la manière de Mélusine (femme par en haut et serpent par en bas), n’étaient belles que jusqu’à certaine place, et puis le reste traînait en replis mous. Comme c’est bon, hein, pauvre Muse, de se dire ainsi tout ce qu’on pense ! Oui, comme c’est bon d’avoir toi, car tu es la seule femme à qui un homme puisse écrire de telles choses.

Enfin je commence à y voir un peu clair dans mon sacré dialogue de curé. Mais franchement, il y a des moments où j’en ai presque envie de vomir physiquement, tant le fond est bas. Je veux exprimer la situation suivante : ma petite femme, dans un accès de religion, va à l’église ; elle trouve à la porte le curé qui, dans un dialogue (sans sujet déterminé), se montre tellement bête, plat, inepte, crasseux, qu’elle s’en retourne dégoûtée et indévote. Et mon curé est très brave homme, excellent même, mais il ne songe qu’au physique (aux souffrances des pauvres, manque de pain ou de bois), et ne devine pas les défaillances mo-