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CORRESPONDANCE

Adieu, bonne, chère, tendre et bien-aimée Muse. Mille tendresses, caresses et amour. Je te baise tout le long du corps, bonne nuit.

Ton G.

381. À LOUISE COLET.

Entièrement inédite.

Dimanche, 6 heures du soir [10 avril 1853].

Comme tu m’as l’air triste ! pauvre chère Muse. Ta lettre m’a navré. Je t’ai suivie dans toutes tes courses et la boue de Paris qui t’a trempé les pieds m’a fait froid au cœur. Quelle amère et grotesque chose que le monde ! Il y a quelques années, quand tu faisais des choses lâchées, molles, tu ne manquais pas d’éditeurs. Et maintenant que tu viens de faire une Œuvre, car la Paysanne en est une, tu ne peux trouver avec, ni argent, ni publication même. Si je doutais de sa valeur, tous ces déboires-là me confirmeraient encore plus dans l’opinion que c’est bon, excellent. Tu as vu ce que Villemain en a dit : pas une femme n’en serait capable. Ça a, en effet, un grand caractère de virilité, de force. Sois tranquille, ça fera son trou.

On se moque de toi indignement ; la lettre de Jacottet est menteuse depuis la première ligne jusqu’à la dernière. Quoique je sois peu au fait de la librairie, il me paraît absurde que 700 et quelques vers coûtent à imprimer 400 francs, quand un in-8o n’en coûte guère que 7 à 8 tout au plus. C’est une défaite et, avant que tu ne m’aies