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DE GUSTAVE FLAUBERT.

cela et riait seulement de ta résolution. Nous sommes convenus qu’il t’en referait une plus sérieuse et plus publiable. Tu es une très belle femme mais meilleur poète encore, crois-moi. Je saurais où en aller trouver qui aient la taille plus mince, mais je n’en connais pas d’un esprit plus haut quand toutefois le…, que j’aime entre parenthèses, ne le fait pas déchoir. Tu vas te révolter, je le sais bien ; mais je te conjure de réfléchir et, plus, je te supplie de suivre mon avis.

Si tu avais toujours eu un homme aussi sage que moi pour [te] conseiller, bien des choses fâcheuses ne te seraient pas arrivées. Comme artiste et comme femme, je ne trouve pas cette publication digne.

Le public ne doit rien savoir de nous. Qu’il ne s’amuse pas de nos yeux, de nos cheveux, de nos amours. (Combien d’imbéciles accueilleront ces vers d’un gros rire !) C’est assez de notre cœur que nous lui délayons dans l’encre sans qu’il s’en doute. Les prostitutions personnelles en art me révoltent, et Apollon est juste : il rend presque toujours ce genre d’inspiration languissante ; c’est du commun. (Dans la pièce de Bouilhet il n’y a pas un trait neuf ; on y sent, en dessous, une patte habile ; voilà tout.)

Console-toi donc et attends une autre pièce où tu seras chantée mieux de toute façon et d’une manière plus durable. C’est une affaire convenue, n’est-ce pas ?

Si quelqu’un t’outrage là-dessus, comment répondre ? Il faut pour ces genres d’apothéoses une œuvre hors ligne. Alors ça dure, fût-ce adressé à des crétins ou à des bossus. Sais-tu ce qui te