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CORRESPONDANCE

au mois d’octobre prochain avec Du Camp pour l’Égypte, la Syrie et la Perse. Ma santé, qui loin de s’améliorer empire, m’a forcé à aller consulter à Paris M. Cloquet qui m’a fortement conseillé les pays chauds. Quand vous viendrez, je vous conterai tout cela plus au long ; j’en ai beaucoup à vous dire. C’est à vous autres que je recommanderai ma pauvre mère pendant mon absence, qui durera de quinze à dix-huit mois. Ma mère va louer sa maison de Rouen, car elle a l’intention de passer une bonne partie de son temps à Nogent. De toutes façons c’est ce qu’elle pourra faire de mieux.

En attendant mon départ, nous sommes convenus, ma mère et moi, de ne pas ouvrir la bouche de ce voyage pour deux raisons : la première, c’est qu’il est inutile de se tracasser d’avance et d’exciter sa tristesse par anticipation ; la seconde, c’est que, n’ayant pas fini mon maudit Saint-Antoine (car il dure toujours le polisson ! quoique je maigrisse dessus), ça me troublerait et m’empêcherait de travailler. Vous savez, vieux compagnon, que l’idée que je dois être dérangé me dérange, et j’ai bien assez de besogne sans avoir en outre l’Orient qui danse au bout de ma table, et les grelots des dromadaires qui me bourdonnent dans les oreilles par-dessus le bruit de mes phrases. Donc, quoique ce voyage soit conclu, on n’en dit mot ici ; comprenez-vous ?

Nous avons calculé, le sieur Du Camp et moi, que nos moyens nous permettaient très largement d’avoir un domestique, chose à peu près indispensable. Il nous faut un gars solide, au moral comme au physique, habitué à la fatigue, sachant