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CORRESPONDANCE

222. À ERNEST CHEVALIER.
Croisset, dimanche 6 mai [1849].

J’ai du nouveau à t’apprendre, mon cher Ernest. Au mois d’octobre, prochain, je (n’aie pas peur de ce qui suit, ce n’est point mon mariage, mais mieux), au mois d’octobre prochain ou à la fin de septembre je fous le camp pour l’Égypte[1]. Je vais faire un voyage dans tout l’Orient. Je serai parti de quinze à dix-huit mois. Nous remonterons le Nil jusqu’à Thèbes, de là en Palestine ; puis la Syrie, Bagdad, Bassora, la Perse jusqu’à la mer Caspienne, le Caucase, la Géorgie, l’Asie Mineure par les côtes, Constantinople et la Grèce s’il nous reste du temps et de l’argent. Quid dicis ? Je te vois de là ouvrir de grands yeux et te demander comment je fais pour partir. Voici, vieux, les raisons qui m’ont décidé

J’ai besoin de prendre l’air, dans toute l’extension du mot. Ma mère, voyant que cela m’était indispensable, a consenti à ce voyage, et voilà. Je ne pense qu’avec angoisse aux inquiétudes que je vais lui faire subir, mais je crois que c’est un mal pour en éviter un moins [sic] grand. Je ne suis pas encore parti. D’ici là il se passera peut-être bien des choses. Cependant, quant à moi, mon parti est pris, et j’ai été longtemps à le prendre. Un an, un an à lutter contre cette passion des champs qui me dévorait, si bien que j’en ai fort

  1. Le récit de ce voyage en Égypte fait l’objet des deux volumes : Notes de Voyages.