Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
DE GUSTAVE FLAUBERT.

par le pied du cheval, et cependant les éclats du silex entrent dans la corne de l’animal. Il en saigne et il en boite, mais il continue à courir !

Tu avais espéré le feu qui brûle, flambe, éclaire, envoie des clartés joyeuses, fait sécher les boiseries humides, assainit l’air et redonne la vie. Hélas ! je ne suis qu’une pauvre lampe de nuit, dont la mèche rouge pétille dans une mauvaise huile toute pleine d’eau et de poussière.

Je m’étais dit : « Si faible que soit cette clarté, si tiède que soit ce rayon, ce sera toujours quelque chose pour cette pauvre âme. » J’aurais voulu éclairer un peu ta vie, la dorer d’une teinte douce où le sentiment, l’esprit et le plaisir se seraient trouvés fondus à dose égale. Il n’y eût eu qu’agrément et que charme. Et j’ai retrouvé toutes les âcretés qui m’ont usé et tous les épouvantements par où j’avais passé !

La faute n’en est ni à moi ni à toi, mais à Dieu qui fait tout pour le mieux harmonique et tout pour le pire relatif.

J’irai, je crois, à Paris dans un bon mois ou six semaines. Tu me reverras maigri aussi, si tu l’es. La bague que je porte à mon doigt, et qui me le serrait autrefois, en tombe maintenant quand je secoue la main.

Nous nous reverrons donc, tu auras une joie ; puis, je repartirai, et ainsi toujours. Tu me réaccuseras encore, tu me maudiras peut-être de nouveau ; c’est là l’éternel cercle.

Comment, chère amie, peux-tu supposer que je sois assez indifférent à tout ce qui te touche pour que tu m’écrives que je m’inquiète peu de ton drame ? J’y pense souvent. Je rêve de la pre-