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CORRESPONDANCE

petite vanité d’homme d’abord, et ensuite dans l’estime que j’ai pour votre esprit. Je rapporte les choses chronologiquement. « Dans le monde des étudiants, des viveurs, des jureurs et des fumeurs » dites-vous. Fumeurs, passe : je fume, refume et surfume de plus en plus, de bouche et de cerveau. Jureur, il y a encore du vrai ; mais je jure tellement en dedans qu’on doit me passer le peu qu’on en entend. Quant à étudiant, voilà qui m’humilie. Où diable avez-vous [vu] que j’aie ou aie eu la figure d’un étudiant ? Ce n’a jamais été, je crois, ni par la gaîté ni par les mœurs. Savez-vous qu’au temps où j’en subissais le titre, je n’en acceptais pas la position, moi qui vivais tout seul dans ma triste chambre de la rue de l’Est, qui descendais une fois par semaine de l’autre côté de l’eau et pour aller dîner, et encore ! moi qui ai passé ainsi deux ans à rugir de colère et à me cuire de chagrin ! Oh ! ma bonne vie d’étudiant ! Je ne souhaiterais pas à mon ennemi, si j’en avais un, une seule de ces semaines-là ; et c’est là, n’est-ce pas, que je suis devenu un viveur ! Il est joli votre viveur ! Il consomme plus de quinine que de rhum et ses orgies sont si bruyantes qu’on ne sait pas s’il existe encore, dans sa propre ville, dans celle où il est né et où il habite. J’aime à croire que vous rectifierez ce jugement qui est faux. Je souhaiterais qu’il fût vrai, voilà tout.

Pour ce qui est de l’hyperbole de Corneille, vous avez raison. Non seulement je crois, mais j’ai toujours cru « qu’un amour comme le mien ne pouvait entrer en comparaison ». Vous auriez seulement dû élargir la proposition et dire : n’importe quel espèce d’amour.