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CORRESPONDANCE

je verrai à tenter Saint Antoine. Si ça ne marche pas dès le début, je plante le style là, d’ici à de longues années. Je ferai du grec, de l’histoire, de l’archéologie, n’importe quoi, toutes choses plus faciles enfin. Car je trouve trop souvent bête la peine inutile que je me donne.

Voici donc ce que nous faisons. Ce livre aura XII chapitres. J’écris tous les chapitres impairs, 1, 3, etc., Max tous les pairs. C’est une œuvre, quoique d’une fidélité fort exacte sous le rapport des descriptions, de pure fantaisie et de digressions. Écrivant dans la même pièce, il ne peut se faire autrement que les deux plumes ne se trempent un peu l’une dans l’autre. L’originalité distincte y perd peut-être. Ce serait mauvais pour toute autre chose, mais ici l’ensemble y gagne en combinaisons et en harmonie. Quant à le publier, ce serait impossible. Nous n’aurions, je crois, pour lecteur que le procureur du roi, à cause de certaines réflexions qui pourraient bien ne lui pas convenir. Quand il sera recopié et corrigé, je te prêterai mon exemplaire. Si ça t’ennuie tu ne le liras pas, mais je te prierai de ne pas le jeter au feu ; c’est une faiblesse.

J’irai à ta pièce, comme je te l’avais promis, il me semble, et comme tu m’y invites. Doutes-tu du tressaillement que j’aurai au lever du rideau ? J’irai de toute façon et n’importe comment, à moins d’impossibilité dont je ne puis prévoir même l’hypothèse.

J’ai été dégoûté, quoique je me dégoûte de peu de choses, du tableau de Phidias avec Slovasko et la catin d’iceluy. Ça m’a paru platement sale.

Adieu, ma vieille amie.