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CORRESPONDANCE

Tu m’aimes toujours. Merci de tant d’amour ; il y a de quoi en combler un cœur avide. Il y a des trésors devant lesquels on s’assoit mélancolique, en songeant qu’ils ne sont pas faits pour nous. Qui est-ce qui a pensé à vouloir boire la mer ? Mais on vide un verre ! Tu m’as jugé trop grand, enfant. Si tu m’eusses vu comme me voit tout le monde, tu aurais passé près de moi sans me regarder, ou tu m’aurais quitté sans peine. Mais je ne te quitterai pas le premier. Pense toujours à moi, mais tâche de me juger, et ton esprit se vengera de ton cœur.

Pour moi, cœur et esprit t’aiment d’une façon étrange et malheureusement tournée.

Adieu, un baiser sur ton beau front.


206. À LOUISE COLET.
Nuit du samedi, 2 h. [Croisset, octobre 1847.]

J’ai remis hier moi-même au chemin de fer un paquet contenant les papiers Praslin, le livre de Thoré et la Jeunesse de Gœthe[1]. Tu as dû le recevoir hier ou aujourd’hui. Je t’eusse envoyé tout cela plus tôt, mais j’ai préféré faire ma commission moi-même pour qu’elle fût mieux faite ; et comme je ne vais presque jamais à Rouen, voilà la cause de ce retard dont, au reste, je te demande pardon.

Comment vas-tu, chère amie ? Que devient le corps, et l’âme ? Pégase et le pot au feu ? je veux

  1. Comédie en 1 acte en vers de Louise Colet.