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CORRESPONDANCE

Voilà bientôt le mois d’octobre. Quand est-ce que les Français rouvrent ? Quand présentes-tu ton drame ? Je suis fort impatient de cela. Si je ne veux pas de bruit pour moi (faisant un peu peut-être comme le renard ?), si de jour en jour j’en deviens plus reculé, plus insoucieux et plus insensible, toute ma vanité s’est reportée sur les autres.

Oh, pauvre amie, si l’on t’applaudit bien, crois-tu que les bravos ne retentiront pas encore plus fort dans mon cœur que dans la salle ?

Adieu. Sur le front un long et tendre baiser. À toi.


204. À LOUISE COLET.
[Croisset.] Sans date.

Je vous aurais répondu plus tôt, ma chère amie, si je n’étais tellement harassé de ma Bretagne (que j’ai grand hâte de finir) que je ne suis guère en état d’écrire même un bout de lettre. Répondez-moi, je vous prie. Comment va votre santé d’abord, et le drame ensuite ? Quant à moi, les nerfs me tourmentent toujours un peu, et de plus j’ai pour le moment un rhumatisme dans le cou, qui me donne un air assez ridicule. Mais tout cela serait peu de chose sans le style, qui me gêne beaucoup plus que toutes les maladies du monde. Voilà trois mois et demi que j’écris sans discontinuer du matin au soir. Je suis à bout de l’agacement permanent que cela me procure, dans l’impossibilité incessante où je me trouve de rendre. Les bourgeois auront beau dire, cette crème fouettée n’est pas facile à battre. Plus je vais, et plus je