Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
DE GUSTAVE FLAUBERT.

Je ne sais pas pourquoi je me suis laissé aller à te parler de ces misères, pauvre ange, comme si tu n’avais pas assez des tiennes. Causons de toi plutôt. Quand ton drame est-il enfin fini ? Quand réunis-tu ton Comité pour le lui lire ? Comptes-tu toujours sur Rachel[1] ?

Tu vas aller à la campagne avec Henriette[2]. Je pense souvent à cette enfant. Il me semble qu’elle m’est quelque chose et que je lui suis un peu parent.

Je lui souhaite le grand gazon et des papillons.

Tu me demandes si j’ai lu l’affaire Praslin. Par fragments. C’est toujours moins canaille que les autres scandales, puisque c’est le mot, et ça m’a fait plaisir, en ce sens que j’y ai vu que l’homme n’était pas encore mort, et que l’animal, malgré les habits dont on le couvre, la cage où on le met et les idées qu’on lui fourre, restait toujours avec ses vieux instincts naturels de bassesse et de sang.

On a beau, depuis qu’on fait des civilisations, vouloir fausser la lyre humaine. On en hausse ou monte bien quelques cordes, mais elle reste toujours complète.

Adieu pauvre chérie, un bon baiser. Place-le où tu voudras, et qu’il y reste.


  1. Louise Colet devait demander à Rachel d’interpréter le rôle de Madeleine dans son drame de ce nom. La pièce fut refusée.
  2. Fille de Louise Colet.