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APPENDICE.


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Puis tout se tait : les champs deviennent pâles ;
L’on n’entend plus que le Rhône qui fuit
Et le coucou jetant par intervalles
Son cri sonore au milieu de la nuit.
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Or, ce soir-là plus froide était la bise,
Et vers minuit les chiens jappaient plus fort,
Lorsqu’un vieillard à longue barbe grise
Parut traînant sa marche avec effort :
Un vieux schako vacille sur sa tête ;
Sous son caban troué, son pantalon
Laisse entrevoir la pourpre d’un galon ;
Sa veste porte un débris d’épaulette ;
Ses pieds sont nus. Quel est cet indigent ?
Près du foyer, insensible il s’affaisse ;
On le secourt, on l’entoure, on s’empresse.
Dans ce vieillard, qui reconnaîtrait Jean ?
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Aller mourir dans son pauvre village,
Revoir le Rhône, aspirer l’air en feu,
Se retrouver dans le doux paysage
Du vieux château, c’était son dernier vœu.
Songes lointains, spectres des jours prospères,
Vous vous levez quand la mort vient à nous !
Pour nous saisir, poussières de nos pères,
Vous attirez nos atomes vers vous.
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Les trépassés, dans l’étroit cimetière,
Ne trouvent plus la place qu’il leur faut.
Un jour, celui qui les mettait en terre,
Frappé comme eux, soudain leur fait défaut.
Les pauvres morts pourrissent en présence
Des survivants, et, telle est la frayeur,
Qu’en vain on cherche un autre fossoyeur.
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