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CORRESPONDANCE

Nous ne suivons plus la même route, nous ne naviguons plus dans la même nacelle. Que Dieu nous conduise donc où chacun demande ! Moi, je ne cherche pas le port, mais la haute mer. Si j’y fais naufrage, je te dispense du deuil.

Je suis à toi.


331. À LOUISE COLET.

En partie inédite.

[Croisset] Nuit de samedi, 1 heure du matin.
[3-4 juillet 1852.]

Tes dernières lettres sont bien tristes, pauvre chère Louise. Tu m’as l’air découragée ; ne baisse pas. Tu étais si bien il y a quelque temps ; j’aime à te savoir calme là-bas pendant que je suis ici. Il y a bien des moments où, si je pouvais m’envoler vers toi, pour aller embrasser ta belle et bonne figure quand je me l’imagine triste et rêvant seule sur mille misères de la vie, je le ferais, va, et je m’en reviendrais. Espère, espère, tout est là ; les voiles ne vont pas sans vent, les cœurs tombent quand le souffle leur manque. J’ai été bien affaissé toute cette semaine où j’ai fait à peu près une page. Comme j’ai envie que cette première partie soit achevée ! J’ai presque la conviction que c’est trop long et pourtant je n’y vois rien à retrancher, il y a tant de petites choses importantes à dire. Depuis hier au soir pourtant et surtout aujourd’hui, ça va mieux, le beau temps sans doute en est cause. Ce soleil m’a délecté et ce soir la lune. Je me sens, à l’heure qu’il est, frais et rajeuni.