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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Musset aime la gaudriole. Eh bien ! pas moi. Elle sent l’esprit (que je l’exècre en art !). Les chefs-d’œuvre sont bêtes ; ils ont la mine tranquille comme les productions mêmes de la nature, comme les grands animaux et les montagnes. J’aime l’ordure, oui, et quand elle est lyrique, comme dans Rabelais qui n’est point du tout un homme à gaudriole. Mais la gaudriole est française. Pour plaire au goût français il faut cacher presque la poésie, comme on fait pour les pilules, dans une poudre incolore et la lui faire avaler sans qu’il s’en doute.

P. S. — Nous venons de relire la pièce ; nous en sommes saouls et n’en savons que penser. Juge-la toi-même et « fais-en ce que tu voudras » (Bouilhet) — « et tâche de la faire paraître » (moi).

Adieu, je t’embrasse tendrement. À toi.

Ton G.

330. À MAXIME DU CAMP.
[Croisset, début juillet 1852.]
Mon cher,

Je suis peiné de te voir si sensible. Loin d’avoir voulu rendre ma lettre blessante, j’avais tâché qu’elle fût tout le contraire. Je m’y étais, autant que je l’avais pu, renfermé dans les limites du sujet, comme on dit en rhétorique.

Mais pourquoi aussi recommences-tu ta rengaine et viens-tu toujours prêcher le régime à un homme qui a la prétention de se croire en bonne santé ? Je trouve ton affliction à mon endroit comique, voilà tout. Est-ce que je te blâme, moi, de vivre à Paris,