reste. Elle puise sa force dans la rage qu’ont les Français pour les distinctions. Chacun espère en être plus tard ; je m’excepte. Du jour où elle a donné le premier prix Montyon, elle a avoué par là que la vie littéraire s’était retirée d’elle. N’ayant donc plus rien à faire et sentant les choses de sa compétence lui échapper, elle s’est réfugiée dans la vertu, comme font les vieilles femmes dans la dévotion.
Puisque je suis en veine de mauvaise humeur (et franchement j’en ai le cœur gros), je l’épuise. « Les jours d’orgueil où l’on me recherche, où l’on me flatte », dis-tu. Allons donc ! ce sont des jours de faiblesse, ceux-là, les jours dont il faut rougir. Tes jours d’orgueil, je vais te les dire. Les voici, tes jours d’orgueil ! Quand tu es chez toi, le soir, dans ta plus vieille robe, avec Henriette qui t’embête, la cheminée qui fume, gênée d’argent, etc., et que tu vas te coucher le cœur gros et la tête fatiguée ; quand, marchant de long en large dans ta chambre, ou regardant le bois brûler, tu te dis que rien [ne] te soutient, que tu ne comptes sur personne, que tout te délaisse, et qu’alors, sous l’affaissement de la femme, la muse rebondissant, quelque chose cependant se met à chanter au fond de toi, quelque chose de joyeux et de funèbre, comme un chant de bataille, défi porté à la vie, espérance de sa force, flamboiement des œuvres à venir. Si cela te vient, voilà tes jours d’orgueil ; ne me parle pas d’autres orgueils. Laisse-les aux faibles, au sieur Énault qui sera flatté d’entrer à la Revue de Paris, à Du Camp qui est enchanté d’être reçu chez Mme Delessert, à tous ceux enfin qui s’honorent