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CORRESPONDANCE

chemin de fer de Versailles (rive droite). Et puis on figure le lendemain dans tous les journaux, entre la politique et les annonces.

Certes, il est beau d’occuper de la place dans les âmes de la foule, mais on y est les trois quarts du temps en si piètre compagnie, qu’il y a de quoi dégoûter la délicatesse d’un homme bien né.

Avouons que si aucune belle chose n’est restée ignorée, il n’est pas de turpitude qui n’ait été applaudie, ni de sot qui n’ait passé pour grand homme, ni de grand homme qu’on n’ait comparé à un crétin. La postérité change d’avis quelquefois (mais la tache n’en reste pas moins au front de cette humanité qui a de si nobles instincts), et encore ! Est-ce que jamais la France reconnaîtra que Ronsard vaut bien Racine ! Il faut donc faire de l’art pour soi, pour soi seul, comme on joue du violon.

Musset restera par ces côtés qu’il renie. Il a eu de beaux jets, de beaux cris, voilà tout. Mais le parisien chez lui entrave le poète ; le dandysme y corrompt l’élégance ; ses genoux sont raides de ses sous-pieds. La force lui a manqué pour devenir un maître ; il n’a cru ni à lui (?) ni à son art, mais à ses passions. Il a célébré avec emphase le cœur, le sentiment, l’amour avec toutes sortes d’H, au rabaissement de beautés plus hautes : « le cœur seul est poète », etc. Ces sortes de choses flattent les dames, maximes commodes qui font que tant de gens se croient poètes sans avoir fait un vers. Cette glorification du médiocre m’indigne. C’est nier tout art, toute beauté ; c’est insulter l’aristocratie du bon Dieu.

L’Académie française subsistera encore longtemps, quoiqu’elle soit fort en arrière de tout le