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CORRESPONDANCE

pect qui va l’empêcher de parler (Musset respectant le sieur Dupaty !), la mort prématurée de son père et une jérémiade anodine sur les révolutions, lesquelles « interrompent pour un moment les relations de société ». Quel malheur ! Cela me rappelle un peu les filles entretenues, après 1848, qui étaient désolées : les gens comme il faut s’en allaient de Paris ; tout était perdu ! Il est vrai que, comme contrepoids, arrive l’éloge indirect de l’abolition de la torture ; la grande ombre de Calas passe, escortée d’un vers corsé :

Un beau trait nous honore encor plus qu’un beau livre.


Idée reçue et généralement admise, quoique l’un soit plus facile à faire que l’autre. J’ai pris bien des petits verres, dans ma jeunesse, avec le sieur Louis Fessard, mon maître de natation, lequel a sauvé quarante à quarante-six personnes d’une mort imminente et au péril de ses jours. Or, comme il n’y a pas quarante-six beaux livres dans le monde, depuis qu’on en fait, voilà un drôle qui, à lui tout seul, enfonce dans l’estime d’un poète tous les poètes. Continuons :

Éloge des écoliers reconnaissants envers leurs maîtres (flatterie indirecte aux professeurs ci-présents), et de rechef épigramme sur la liberté : utile dulci ; c’est le genre.

Enfin une phrase, et fort belle : « Le murmure de l’Océan, qui troublait encore cette tête ardente, se confondit dans la musique et un coup d’archet l’emporta. » Mais c’est l’Océan et la musique qui sont cause que la phrase est bonne. Quelque indifférent que soit le sujet en soi, il faut qu’il existe néanmoins. Or, lorsque de mauvaise foi on entonne