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DE GUSTAVE FLAUBERT.

nir méchant et me renforcent d’autant dans un exclusivisme sombre qui me mènerait à une étroitesse catonienne. Que je me remercie de la bonne idée que j’ai eue de ne pas publier ! Je n’ai encore trempé dans rien ! Ma muse (quelque déhanchée qu’elle puisse être) ne s’est point encore prostituée, et j’ai bien envie de la laisser crever vierge, à voir toutes ces véroles qui courent le monde. Comme je ne suis pas de ceux qui peuvent se faire un public et que ce public n’est pas fait pour moi, je m’en passerai. « Si tu cherches à plaire, te voilà déchu », dit Épictète. Je ne déchoirai pas. Le sieur Musset me paraît avoir peu médité Épictète, et cependant ce n’est pas l’amour de la vertu qui manque dans son discours. Il nous apprend que M. Dupaty était honnête homme et que c’est bien beau d’être honnête homme. Là-dessus, satisfaction générale du public. (Voir Gabrielle, de M. Émile Augier.) L’éloge des qualités morales, agréablement entrelacé à celui des qualités intellectuelles et mises ensemble au même niveau, est une des plus belles bassesses de l’art oratoire. Comme chacun croit posséder les premières, du même coup on s’attribue les secondes ! J’ai eu un domestique qui avait l’habitude de prendre du tabac. Je lui ai souvent entendu dire lorsqu’il prisait (pour s’excuser de son habitude) : « Napoléon prisait ». Et la tabatière en effet établissait certainement une certaine parenté entre eux deux, qui, sans abaisser le grand homme, relevait beaucoup le goujat dans sa propre estime.

Voyons un peu ce fameux discours. Le début est des plus mal écrits ; il y a une série de que de quoi faire vingt catogans. Je trouve ensuite du res-