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CORRESPONDANCE

sieur de Lamartine tout le premier en profitait, et celles-là sont aussi poétiques dans la rue de Tolède que sur la Margellina. Mais non ; il faut faire du convenu, du faux. Il faut que les dames vous lisent. Ah mensonge ! mensonge ! Que tu es bête !

Il y aurait eu moyen de faire un beau livre avec cette histoire, en nous montrant ce qui s’est sans doute passé : un jeune homme à Naples, par hasard, au milieu de ses autres distractions, couchant avec la fille d’un pêcheur et l’envoyant promener ensuite, laquelle ne meurt pas, mais se console, ce qui est plus ordinaire et plus amer. (La fin de Candide est ainsi pour moi la preuve criante d’un génie de premier ordre. La griffe du lion est marquée dans cette conclusion tranquille, bête comme la vie.) Cela eût exigé une indépendance de personnalité que Lamartine n’a pas, ce coup d’œil médical de la vie, cette vue du Vrai, enfin, qui est le seul moyen d’arriver à de grands effets d’émotion. À propos d’émotion, un dernier mot : avant la pièce de vers finale, il a eu soin de nous dire qu’il l’a écrite tout d’une seule haleine et en pleurant. Quel joli procédé poétique ! Oui, je le répète, il y avait là de quoi faire un beau livre, pourtant.

Je suis bien de l’avis du Philosophe relativement aux vers de Gautier. Ils sont très faibles, et l’ignorance des gens de lettres est monstrueuse. Melaenis a paru une œuvre érudite : il n’y a pas un bachelier qui ne devrait savoir tout cela ! Mais est-ce qu’on lit, est-ce qu’on a le temps ? Qu’est-ce que ça leur fait ? On patauge à tort et à travers. On est loué par ses amis, on perd la tête, on s’enfonce dans une obésité de l’esprit que l’on prend pour