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DE GUSTAVE FLAUBERT.

cause. C’est même un grand effort que je fais que de t’écrire. Je suis brisé et anéanti de tête et de corps, comme après une grande orgie. Hier, j’ai passé cinq heures sur mon divan, dans une espèce de torpeur imbécile, sans avoir le cœur de faire un geste, ni l’esprit d’avoir une pensée. N’importe, continuons.

Je trouve donc que le style est généralement mou, lâche et composé de phrases toutes faites. C’est de la pâte qui n’a pas été assez battue. L’expression n’est point condensée, ce qui, au théâtre surtout, fait paraître l’idée lente, et cause de l’ennui. Et d’abord tout le 1er  acte est une exposition. L’action se passe au second et dès la première scène du 3e on devine le dénouement. La dernière scène du 2e acte est pleine de mouvement. Si tout était comme ça, ce serait superbe. La première scène (monologue de la femme de chambre) est à tout le monde. Qui ne connaît ce plumeau, cette glace où elle se mire ?

La seconde, avec le garçon de restaurant, est assez drôle en elle-même. Mais que d’abus de ça ! et la plaisanterie du chantage est d’un goût médiocre.

Quant aux deux personnages de Léonie et de Mathieu, je n’y comprends rien. Ils sont parfois très cyniques et d’autres fois très vertueux, sans que ce soit fondu. On se révolterait de ces mœurs-là qui sentent le Macaire (sauf l’exagération, laquelle sauve ce personnage) ; et puis, et puis, que de négligences ! Je t’assure, pauvre chère Louise, que cette lecture m’est pénible. Je peux ne rien entendre au théâtre ; mais quant au français en lui-même, il me semble que tu es là