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CORRESPONDANCE

de tout cela ? Le résultat ? Des amertumes, des humiliations internes, rien pour se soutenir que la férocité d’une fantaisie indomptable. Mais je vieillis, et la vie est courte.

Ce que tu as remarqué dans la Bretagne est aussi ce que j’aime le mieux. Une des choses dont je fais le plus de cas, c’est mon résumé d’archéologie celtique et qui [en est] véritablement une exposition complète en même temps que la critique. La difficulté de ce livre consistait dans les transitions, et à faire un tout d’une foule de choses disparates. Il m’a donné beaucoup de mal. C’est la première chose que j’aie écrite péniblement (je ne sais où cette difficulté de trouver le mot s’arrêtera ; je ne suis pas un inspiré, tant s’en faut). Mais je suis complètement de ton avis quant aux plaisanteries, vulgarités, etc. Elles abondent ; le sujet y était pour beaucoup ; songe ce que c’est que d’écrire un voyage où l’on a pris d’avance le parti de tout raconter. Que je t’embrasse à pleins bras, sur les deux joues, sur le cœur, pour quelque chose qui t’a échappé et qui m’a flatté profondément. Tu ne trouves pas la Bretagne une chose assez hors ligne pour être montré à Gautier et tu voudrais que la première impression qu’il eût de moi fût violente. Il vaut mieux s’abstenir. Tu me rappelles à l’orgueil. Merci !

J’ai bien fait la bégueule envers lui, ce bon Gautier. Voilà longtemps qu’il me demande que je lui montre quelque chose et que je lui promets toujours. C’est étonnant comme je suis pudique là-dessus. Ma répugnance à la publication n’est, au fond, que l’instinct que l’on a de cacher […] Vouloir plaire, c’est déroger. Du moment que l’on