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CORRESPONDANCE

ce lymphatique coco (Sainte-Beuve), mais cela me confirme dans mon préjugé. Il est pourtant d’ordinaire trop bienveillant pour que la chose vienne entièrement de lui. Il y a là-dessous quelque histoire, d’autant qu’il a été publié, il y a trois semaines environ, un article dans le Mémorial de Rouen, qui est de la même inspiration, c’est-à-dire louange de toute la Revue de Paris (sauf Maxime toutefois), à l’exclusion de Bouilhet, toujours écrasé par M. Houssaye qui se trouve dans les environs. Tu connais Sainte-Beuve, tu devrais bien nous savoir le fond de cette histoire-là. Je serais simplement curieux que tu causasses avec lui pendant quelque temps de Melaenis, comme si tu n’avais pas lu son article (il a paru dans le Constitutionnel lundi dernier).

Depuis que je suis parti de Paris, j’ai eu une fois cinq lignes de Du Camp, voilà tout. Il a écrit à Bouilhet qu’il était trop occupé pour écrire des lettres. Quand il voudra revenir à moi, il retrouvera sa place et je tuerai le veau gras, et je crois que ce jour-là elle lui semblera douce, car il s’achemine à de tristes mécomptes ; enfin !

J’ai un Ronsard complet, 2 vol. in-folio, que j’ai enfin fini par me procurer. Le dimanche nous en lisons à nous défoncer la poitrine. Les extraits des petites éditions courantes en donnent une idée comme toute espèce d’extraits et de traductions, c’est-à-dire que les plus belles choses en sont absentes. Tu ne t’imagines pas quel poète c’est que Ronsard. Quel poète ! quel poète ! quelles ailes ! C’est plus grand que Virgile et ça vaut du Gœthe, au moins par moments, comme éclats lyriques. Ce matin, à 1 heure et demie, je lisais tout haut